Les Aures : les alpes de l'Algérie
L'Aurès est un vaste territoire montagneux historique et ethnolinguistique dans l'est de l'Algérie, dans lequel vivent les Chaouis, groupe berbérophone. Cette région était connue dès l'Antiquité sous le nom d'Aurasius mons, toponyme berbère signifiant « la montagne fauve »1. Les Aurès faisaient partie du territoire de l'ancienne Numidie.
Le terme Aurès est dérivé du berbère Awras signifiant « fauve », ainsi Adrar n'Awras est littéralement la « montagne fauve » en raison notamment du nombre important de fauves qui s'y trouvaient il y a à peine un siècle encore ainsi qu'en raison de la couleur jaune fauve du massif
Le récit de Procope dans les Guerres des vandales indique qu'en l'an 539, lorsque le général byzantin Solomon est envoyé pour la seconde fois en Afrique par l'empereur Justinien, il pacifie d'abord les provinces de Zeugitane, de Numidie et de Byzacène. Il entreprend ensuite de soumettre les Aurès avec une partie de l'armée byzantine commandée par Gontaris, venue camper non loin du fleuve Abigas, près de Baghaï, ville alors abandonnée à la suite des incursions des Aourasiens, qui l'avaient ruinée. Après un combat malheureux, le général byzantin est forcé de se retrancher, quand arrive, avec le reste de l'armée, Solomon qui lui envoie des renforts et qui va camper 50 stades plus haut (c'est-à-dire dans la plaine au-dessous de Mascula (Khenchela), alors ruinée et dont, pour cette raison, Procope ne parle pas).
Le nom Aurès désigne en majeure partie toute la série orientale du massif de l'Atlas, ayant comme représentant son sommet, le djebel Chélia.
Pendant la période romaine et numide, Salluste décrit une chaîne de montagnes qui sépare deux régions, l'une maritime (la côte est de l'Algérie) et l'autre intérieure (Tell). Les monts Aurès se terminent par le désert du Sahara4. D'autres sources indiquent que le nom du bouclier ou de la chaîne de montagnes s'appelait Auréus clupeus et qu'on lui a donné ensuite le nom de Mons Aurasius.
Selon les géographes du Moyen Âge, Procope propose une surface allant de 1 800 à 2 000 km2. Ibn Khaldoun délimite les Aurès par le royaume des Kutumas, les Zibans, le Mzab, l'Oued righ. Ibn Khaldoun désigne par les Aurès, le royaume des Zénètes.
L'historien et géographe français, Émile Félix Gautier (de l'université d'Alger) distingue l'Aurès oriental de l'Aurès occidental d'après les études d'Ibn Khaldoun. Pendant la guerre d'Algérie, les responsables de l'armée de libération nationale (ALN) nomment les Aurès par Wilaya I qui correspond en superficie à 450 000 à 500 000 km2. Cette superficie désigne le territoire chaouis, qui englobe une partie de la Hodna à la frontière tunisienne et de Doucen à Aïn M'lila.
D'après Ammar Negadi, à l'est, les monts Aurès englobent la région qui va de Souk Ahras à Négrine et dépassent la frontière tunisienne et dépassent M'daourouch et longent la wilaya de Tébessa (Nememcha). Vers le sud, les Aurès s'étendent vers le sud-ouest de la Wilaya de Biskra à Négrine. Vers l'ouest, les limites des Aurès atteignent la Petite Kabylie. Les Aurès comprennent une partie de la wilaya de Sétif et de la Wilaya de Mila. Le contour passe les régions de Aïn Oulmene, de Maghra, de Barika et de M'doukal. Vers le nord, les Aurès comprennent une partie des wilayas de Sétif, d'Oum el Bouaghi et de Skikda jusqu'à la wilaya de Souk-Ahras.
D'autres limitent les Aurès juste à la wilaya de Batna et désignent la ville de Batna comme étant la capitale des Aurès. Certains regroupent les Aurès en deux wilayas : Batna et Khenchela. D'autres font de l'ensemble des wilayas respectives : Batna, Khenchela et Oum el Bouaghi toute la région des Aurès.
Topographie
Les Aurès forment la partie est de l'Atlas saharien dont le point culminant est le djebel Chélia à 2 328 mètres d'altitude. Les Aurès sont une région comprenant une chaîne de montagnes et des plaines située en Algérie. C'est un massif n'offrant guère de passages nord/sud, mais partiellement traversé par une dépression synclinale nord-est/sud-ouest au fond de laquelle coule l'oued Abiod.Le mont de Boserdon (1 690 m à Hammam Essalihine)
Les hivers sont très froids, la température atteint parfois fois les -18 °C sans facteur humide. Les étés sont très chauds. Le thermomètre affiche parfois 50 °C à l'ombre. Les variations de température sont très importantes dans cette région. La température estivale varie de 30 °C à 38 °C.
La quantité de pluie indique environ 325 mm de moyenne annuelle au niveau des grandes villes mais ces quantités sont largement dépassées en hautes montagnes où règnent des micro-climats humides. Les chutes neigeuses sont au rendez-vous chaque année à partir de la seconde moitié du mois de novembre et jusqu'à début mars. Les montagnes restent enneigées jusqu'au mois d'avril voir début mai. Des pluies diluviennes sont également constatées. Les dégâts peuvent être considérables.
Les glands du chêne vert constituent une part importante du régime alimentaire dans les Aurès
On y trouvent Les animaux suivants : la hyène, le lièvre, le renard, l'aigle, le sanglier, le lézard, la Tortue d'Hermann (dans la wilaya de Khenchela), le chacal doré, la cigogne blanche, le canard, le ganga et le lynx caracal etc. Le dernier lion a été chassé au XIXe siècle près d'Arris.
Certaines espèces de poissons vivent dans les eaux de rivières ou de ruisseaux près de Timgad.
La végétation : plusieurs conifères et arbustes (cèdres, pins d'Alep, sapin, chêne vert, etc.). Il y a des palmiers,le genévrier, Le saule, le Jujubier, le Tamarinier, les arbres fruitiers (pommier, grenadier, abricotier, poirier, figuier, olivier, amandier, etc.)
Histoire
Medghassen la sépulture du roi Numide et patriarche des Zénètes selon Ibn Kheldoun8
Ruines de Timgad
Massinissa, roi des Massyles 206- 203 puis roi de Numidie 203-148. Il fit tomber Carthage aux côtés des romains.
Les Aurès et sa tribu les Chaouis ont toujours été terre de révoltes et de déclenchement de conflits depuis l'Antiquité mais aussi bien avant
Le mausolée de Medghassen dans les Aurès date de 300 ans av. J.-C. Il s'agit d'un monument numide ; il représente le plus ancien mausolée de l'actuelle Algérie. Les Aurès auraient formé le noyau des Zénètes (Maghraoua, Ifren, Djerawa, Zianides, Mérinides, etc.). Selon l'hypothèse controversée d'Ibn Khaldoun, Medghassen serait le patriarche des Zénètes8.
Les Romains fondent Lambèse à Batna comme capitale du siège romain. Plusieurs villes et capitales se développent, Tobna, Timgad (Batna), Cirta et Tiddis à Constantine, Madaure et Baghaï à Khenchela, Theveste à Tebessa, Diana (Zana) à Batna, Hippone à Annaba, Thibilis et Calama à Guelma, Nicivibus ou N'gaous à Batna, Vescera à Biskra, Djemila, Thagaste, ville natale de Saint Augustin, Madaure (M'daourouch) dans la Wilaya de Souk-Ahras, Sitifensium à Sétif.
Massinissa, né vers 238 av. J.-C. dans la tribu des Massyles (Mis Ilès) et mort au début janvier 148 av. J.-C., unifiera la Numidie. Plusieurs rois lui succèderont.
Plusieurs chefs berbères se révoltent ensuite dans les Aurès. Tacfarinas (première moitié du Ier siècle après J.-C.)), combat l'Empire romain sous le règne de l'empereur Tibère. Faraxen, en l'an 253 ap. J.-C., venant du Djurdjura, attaque la Numidie romaine, avec l'aide de cinq tribus, les Quinquegentiani et les Babares et les tribus originaires des Aurès, du sud et du Hodna. Il sera capturé à Lambèse, à 10 km de Batna vers 260 ap. J.-C. Les inscriptions qui indiquent sa capture par les Romains sont à Lambèse. On peut également citer le nom de Yabdas, roi des Aurès, vers 536.
Les Vandales et les Byzantins vont influencer la région. Plusieurs révoltes sont recensées par les historiens notamment des Zénètes. Selon Corripus dans la Johannide, la cavalerie des Zénètes dont les Ifren ou Ayth Ifren était investie dans la guerre des Berbères contre les Byzantins entre 547 et 550 au temps de Jean Troglita.
Ensuite, les musulmans arrivent pour islamiser la région. Koceila et Dihya vont s'imposer dans la région et dans tout l'est de l'Afrique du Nord.
Au VIIe siècle, d'après Ibn Khaldoun, les Aurès étaient principalement habités des Aurébas, tribu de Koceila, des Zénètes Djerawa, tribu de la reine Kahina-Dihiya, et des Houaras. Les tribus Aurébas sont également décrites comme étant originaires de l'actuelle Libye. Dans son ouvrage The Muslim conquest and settlement of North Africa and Spain (ouvrage librement consultable sur le net), l'auteur Abd al-Wāḥid Dhannūn Ṭāhā, s'appuyant sur plusieurs sources bibliographiques dont celles d'Ibn Khaldoun, précise page 26 de son livre la présence, avant la conquête islamique du Maghreb, de tribus Aurébas dans l'actuel Maroc.
L'unité politique et administrative de la Berbérie Orientale et Centrale était en grande partie réalisée par Kusayla qui s'était converti à l'Islam. Dès lors, un conflit éclate entre ce chef berbère et le chef des armées omeyyades. Kairouan est prise par Koceila, ce dernier s'étant reconverti au christianisme. Oqba Ibn Nafaa tue Koceila. Dihya, dite la Kahina, prend la tête de la résistance. Issue de la tribu des Djerawa, une tribu zénète implantée dans les Aurès comme le furent plusieurs rois (agellid, pluriel igelliden) berbères de Numidie, elle a été élue ou nommée à cette charge par le conseil de la confédération des tribus. Dihya tue Oqba Ibn Nafaa selon Ibn Khaldoun, vengeant Koceila.
Dihya procéda ainsi à la réunification de nombreuses tribus de l'Afrique du Nord orientale et du Sud. Dihya défait par deux fois la grande armée des Omeyyades grâce à l'apport des cavaliers des Ayth Ifren. Elle règnera sur toute l'Ifriqiya pendant cinq années. Dihia sera vaincue dans une dernière bataille contre les Omeyyades. Elle sera la seule femme de l'histoire à combattre l'empire omeyyade. Après la défaite de la Kahina, la population des Aurès, région à cheval entre les actuelle Algérie et Tunisie et une partie de l'actuelle Libye (autrement dit la province de l'Ifriqiya), a adhéré aux principes de l'Islam.
Ibn Khaldoun écrit que le commandant Musa ben Nusayr augmenta son contingent militaire en exigeant 12 000 Berbères de l'Ifriqiya (dont les Aurès faisait partie intégrante) pour réislamiser les autres populations situées à l'Ouest de sa province (Ifriqiya); Il faut préciser qu'en arabe l'Ouest ou Occident ou Pays du soleil couchant se disent Maghreb comme cela est indiqué dans la traduction des écrits de Ibn Khaldoun par le Baron de Slane. Il est également nécessaire de rappeler d'une part que l'islamisation du Maghreb avait déjà débuté sous son prédécesseur Oqba et que, d'autre part, il y a des milliers de kilomètres entre les Aurès du Moyen Âge ou Kairouan (capitale de la province d'Ifriqiya de Musa ben Nusayr) et Tanger, ce qui implique pour cette époque des mois de marche (à pied ou à cheval) et de nombreuses autres tribus berbères à convertir ou à reconvertir comme le mentionne Ibn Khaldoun . Ibn Khaldoun n'écrit à aucun moment que les 12 000 hommes exigés ont servi à la conquête de l'Andalousie, de l'Espagne ou de l'Occident chrétien. Ibn Khaldoun écrit qu'après la conquête du Maghreb par les troupes de Musa ben Nusayr, Tariq (écrit Tarec dans l'ouvrage), gouverneur de Tanger, y stationna avec 12 000 berbères fraîchement convertis accompagnés de 27 Arabes chargés de leur formation coranique, sans aucune autre précision, en particulier sur l'origine des ethnies présentes. C'est seulement après avoir jugé l'Islam bien ancré au Maroc que Moussa Ibn Noçaïr retourna en Ifriqiya d'où, par missive, il dépêcha en 711 Tariq ibn Ziyad stationné à Tanger de conquérir l'Espagne .
Ensuite, plusieurs conflits entre les Berbères et les dynasties arabes (Omeyyades, Fatimides, Abbassides) sont signalés par les historiens dans la région des Aurès comme Al Bakri et Ibn Khaldoun.
Abu Yezid de la tribu des Banou Ifren renversera les Fatimides avec l'aide des tribus Zénètes des Aurès mais il sera vaincu par les Zirides, alliés au premier temps aux Fatimides.
Les Hilaliens gagnent la bataille contre les Berbères. Il y aura un arrangement entre les deux parties. Les Hilaliens venus avec leurs familles vont vivre avec les Berbères avec parfois des tensions entre les deux. Il s'ensuit une période d'unification avec la dynastie des Almohades (dynastie berbère). Après, les Hafsides(dynastie berbère) prennent toute la région jusqu'à l'arrivée des Ottomans.
Au XIXe siècle la région est semi-conquise par les Français. Plusieurs révoltes (Ahmed Bey, les Zaatchas, les mouvements nationalistes algériens) ont lieu contre l'occupation française jusqu'au déclenchement de la Guerre d'Algérie.
Cette région abrite les tribus Chaouis. Mais au fil du temps et à l'image du nord de l'Algérie, des Algériens de toute origines confondus s'y sont installés, surtout dans les villes, créant ainsi un grand métissage entre ses communautés.
La région des Aurès comprend les wilayas de, Batna, Khenchela, Oum el Bouaghi, Souk Ahras, Tebessa et la partie nord de la wilaya de Biskra.
En revanche le pays chaoui est plus vaste et comprend, en plus des Aurès, d'autres wilayas et s'étend sur une partie de la wilaya de Tebessa et le sud de la wilaya de Guelma.
La région dispose d'un vaste potentiel culturel. « Culturellement » parlant, on peut évoquer certaines personnalités parmi toutes celles issues des Aurès :
- Koceila, prince berbère des Aurès au VIIe siècle.
- Kahena, reine guerrière berbère zénète des Aurès qui combattit les Omeyades lors de l'expansion islamique en Afrique du Nord au VIIe siècle.
- Mostefa Ben Boulaid (1917-1956), un des chefs historiques du Front de libération nationale (FLN) durant la guerre d'Algérie, surnommé le Père de la Révolution Algérienne
- Larbi Ben M'Hidi (1923-1957), combattant et héros de la guerre d'indépendance.