HISTOIRE DU PEUPLE BERBÈRE :
Qui sont les Berbères ? D'où viennent-ils ? Quelle est leur histoire ? Autant de questions sur un peuple, une culture, trop mal connus et pourtant si proches, intimement liés à l'Histoire de France, de l'Europe et de la Méditerranée.
Quelques précisions...
Le nom que se donnent les Berbères est Imazighen (prononcer Imazirrene) pluriel de Amazigh (prononcer Amazir). Qui signifie " Homme libre " ; c'est aussi le nom symbolique de la lettre z (z de l'alphabet tifinagh des Imazighen), symbole revendicatif culturel. Berbère vient du latin barbarus et du grec barbaros : celui qui n'est pas grec. Les Kabyles sont les Berbères de Kabylie (en arabe Bilàd al qàba'il : pays des tribus), au nord de l'Algérie. ils sont plus de 9000 ans d'histoire.
Géographie
Tamazgha (Terre des hommes libres) est la région où vivent les Imazighen. Autrefois très vaste, de l'Atlantique à l'Egypte et de la Méditerranée à la limite de l'Afrique noire. Toujours importante au XXIe siècle, la langue tamazight, plus ancienne langue connue d'Afrique du Nord, se parle dans une dizaine de pays jusqu'en Afrique sub-saharienne.
Environ 45% de la population du Maroc est berbérophone, 30% en Algérie, 21% en Libye, 1% en Tunisie. En Egypte, le berbère n'est plus parlé que dans l'oasis de Siwa, près de la frontière libyenne. Les touaregs, environ 400 000 nomades, occupent actuellement le nord du Mali, du Niger, du Nigeria et du Burkina Faso.
L'immigration Berbère en France, surtout Kabyle, compte environ 3 500 000 individus, ce qui fait du Berbère la langue territoriale la plus parlée dans l'Hexagone après le Français.
Actuellement, la population berbérophone mondiale est d'environ 26 millions de personnes, autant que tous les habitants de la Belgique et des Pays-Bas. Sans tenir compte des berbères d'Afrique du Nord qui se croient Arabes : En effet, le nombre de descendants de familles venues d'Arabie est faible en Afrique du Nord : malgré la forte implantation de cette langue, l'essentiel de la population du Maghreb est Berbère et l'ignore.
Préhistoire
Le peuplement du Maghreb est très ancien et se confond avec l'évolution de l'espèce humaine : nombreux sont les vestiges préhistoriques retrouvés en Afrique du Nord. Les ancêtres des Berbères étaient sur place dès la Préhistoire.
Environ 20 000 ans avant notre ère, les Ibéro-Maurussiens ont laissé de nombreux vestiges de leur culture. Les préhistoriens les classent comme des Homo sapiens.
Avec la culture Capsienne, au Néolithique, apparue entre 10 000 et 7000 ans avant J.C. jusque vers 4000 avant J.C., l'histoire Berbère démarre. Les Capsiens ont laissé de nombreuses traces archéologiques et surtout de superbes œuvres d'art, les plus anciennes d'Afrique. Leurs magnifiques gravures et peintures rupestres, retrouvées principalement au Sahara, dans les Tassili, offrent de troublantes analogies avec les motifs artistiques plus récents de la culture berbère. La plupart des historiens les considèrent comme Proto-Berbères. Leur civilisation offre de nombreux parallèles avec la Civilisation des Mégalithes Européenne et des échanges entre les deux cultures sont fort probables. Leur culture évoluera vers les cultures berbères de l'antiquité que nous connaissons : les Libou ou Libyens, les Garamantes, Gétules, Nasamons, Numides, Psylles, Maures..., dont les Egyptiens, les Grecs et les Romains nous ont parlé dans de nombreux écrits.
Antiquité
L'Egypte des pharaons s'est heurtée dès ses débuts, vers 3100 avant J.C., aux populations Berbères qui lui était les plus proches. Elle leur donnait le nom de Libou (Libyens).
Sous le règne de Montouhotep II, pharaon de la XIème dynastie (2060 à 2010 avant J.C.), les Libyens de la tribu des Tehenou occupent le Delta du Nil : les téhénou, cités sur les monuments égyptiens comme " à la face pâle blanche ou rousse avec des yeux bleus " venaient de la future Algérie et seraient vraisemblablement les ancêtres des Numides : leurs noms et ceux de leurs chefs rappellent exactement ceux des Numides de l'Histoire classique. Après de nombreux combats traversant les âges, ils s'installeront définitivement dans le delta du Nil sous le règne de Ramsès III, pharaon de la XXème dynastie : (1184 à 1153 avant J.C.).
950 avant J.C. : grand moment de l'histoire Berbère. L'Egypte est réduite à de nombreux petits royaumes rivaux. Un chef Téhenou, Sheshonk, va réunifier l'empire égyptien, en tant que premier pharaon de la XXIIème dynastie. Ses descendants de la XXIIème et de la XXIIIème dynasties régneront sur l'Egypte pendant 230 ans. Cette page de l'histoire marque le début du calendrier Berbère où l'an 2953 correspond à l'an 2003 de l'ère chrétienne. La Bible le cite, sous le nom de Sésac, pour avoir pris Jérusalem. Il fut l'un des Pharaons bâtisseurs du célèbre temple de Karnak.
L'organisation politique de ces anciens Berbères a laissé peu de traces écrites. Il est probable qu'ils ont inventé la démocratie en même temps, si ce n'est avant les Grecs. Les djemaa, assemblées populaires régissant la vie de chaque village de façon démocratique, semblent être le modèle le plus répandu et le plus caractéristique de la société berbère depuis l'antiquité, avant même le VIème siècle avant J.C. selon certains historiens.
Carthage et les royaumes Berbères
Les Phéniciens, fondent Carthage vers 814 avant J.C. Ils poussent leurs bateaux jusqu'en Espagne. Pratiquant la navigation côtière, ils établissent le long des côtes africaines de nombreux comptoirs pour nouer des relations commerciales avec les populations. Ces comptoirs évolueront en villes, parmi lesquelles Bejaïa et Alger. Malgré son rayonnement sur le bassin sud-méditerranéen, Carthage limitera son autorité au littoral, et ne s'implantera jamais à l'intérieur de Tamazgha.
Les Royaumes Berbères se forment, selon les versions, entre le VIème siècle et la fin du IIIème siècle avant J.C., et sont au nombre de trois. Le royaume des Massyles à l'est, celui des Massaessyles au centre et la Maurétanie à l'ouest.
Le royaume Massaessyle fut gouverné par le roi Siphax (avant -220 à -202). Le royaume Massyle, connut un grand essor sous le règne de Massinissa (-206 à -148) qui unifia la Numidie (Algérie et Tunisie). La guerre entre Massinissa et Siphax fut parallèle à la 2ème guerre punique (-218 à -202) entre Rome et Carthage : la cavalerie et les éléphants montés des troupes de Siphax, allié à Carthage, contribuèrent fortement à la progression de l'armée d'Hannibal. Par la suite, Jugurtha (-111 à -105), petit-fils de Massinissa, fut sans doute le dernier roi berbère indépendant de Rome. Son personnage a inspiré de nombreux livres.
Les souverains Numides vont se succéder avec des relations variables vis à vis de Rome : Juba I (-60 à -46), Juba II (-25 à +23), Ptolémée (+23 à +40), A l'époque de Ptolémée, Tacfarinas dirigea la révolte des Numides contre Rome.
Colonie Romaine...
" Le Berbère ne s'enchaîne ni par la crainte, ni par les bienfaits " : Sallustre " La guerre de Jugurtha "
L'occupation romaine, limitée aux plaines côtières, durera quatre siècles. Mais l'occupant n'arrivera jamais à gouverner les peuples berbères, réfugiés en grande partie derrière les limes (frontières militaires fortifiées des Romains en Afrique du Nord), hors d'atteinte du pouvoir de Rome.
Les territoires occupés de l'Algérie, durant cette période sont le " grenier " de l'Empire. Ils exportent des céréales, de l'huile, du vin, du marbre...
Au IIIème siècle, de puissantes confédérations berbères se forment. Rome, harcelée, finit, vers 285, par abandonner les deux Maurétanies sous le règne de l'empereur Dioclétien.
Le christianisme s'implante dans le Maghreb dès le Ier siècle. Cette époque d'occupation voit naître des hommes célèbres chez les Berbères : Victor 1er, mort à Rome en 199, Pape de 189 à 199, Septime Sévère, (146 - 211),Empereur de Rome de 193 à 211, Caracalla, son fils (188 - 217), Empereur de 211 à 217 : il étendit la citoyenneté romaine à tout l'empire., Sévère Alexandre, (205 - 235), Empereur réputé pour sa tolérance, Saint Augustin, (354 - 430), un des plus grands théologiens de tous les temps.
Bien d'autres personnalités berbères s'illustrent encore sous l'empire romain. Elles sont à découvrir pour quiconque veut se donner la peine de mener une recherche sur la culture amazigh.
L'occupation Vandale
429 : les Vandales, 200 000 environ, menés par Genséric, passent le détroit de Gibraltar. Ils progressent jusqu'à Carthage dont ils s'emparent. Le 2 juin 455, ils pillent Rome, puis retournent en Afrique.
Aidés au début par les Berbères, heureux de se débarrasser de la tutelle de Rome, leurs méthodes de gouvernement les coupent vite des populations. Les révoltes se succèdent et en 533 , Gélimer, roi Vandale, est vaincu avec l'aide du général byzantin Bélisaire. Les Byzantins cherchent dans la foulée à conquérir la région.
Les Byzantins
L'occupation byzantine se limite aux cités qu'ils fortifient, près des côtes. Leur domination, sur des territoires qu'ils écrasent d'impôts, ne durera qu'un siècle. En 647, lorsque les Arabes pénètrent pour la première fois au Maghreb, c'est aux royaumes Berbères qu'ils se heurtent.
La lutte contre l'Islam : Koceila et la Kahena
Dès la mort du prophète, en 632, l'Islam est expansionniste. En 643, la Libye (actuelle) est conquise. En 647, les troupes arabes, conduites par Oqba, pillent l'Ifrikia (Maghreb actuel). La défense, menée par le roi Berbère Koceila, est difficile. En 683, il tue Oqba et s'empare de Kairouan. Mais les arabes reviennent et Koceila meurt au combat en 686. En 695, Hassan ibn No'man el Ghassani, à la tête de 40 000 Persans, prend Carthage.
Il se heurtera de suite aux troupes de la reine des Djeraoua (peuple des Aurès) : Dihya, surnommée la Kahena dont l'histoire légendaire a inspiré de nombreux romans.
Ayant totalement écrasé les armées arabes, reconquis l'Ifrikia, puis la totalité du Maghreb, elle fut finalement vaincue et décapitée par Hassan lui-même en l'an 701.
Dihya, figure légendaire, fut le dernier souverain Berbère non musulman en Afrique du Nord.
L'Islam
Après la mort de La Kahena, l'Islam s'implante dans le Maghreb. En 711, 12 000 Berbères fraîchement convertis, commandés par le prince Tarik, passent le détroit de Gibraltar qui doit son nom à cette page d'histoire (Djebel Tarik : le rocher de Tarik). Ils remonteront jusqu'à Poitiers.
Côté africain, les envahisseurs arabes se heurteront à des révoltes perpétuelles jusque vers 800, malgré l'islamisation, et finiront par laisser les Berbères se gouverner eux-mêmes. Le Maghreb prend sa configuration géopolitique moderne. L'Algérie est gouvernée par la dynastie Rostémide de 765 à 909 avec un rayonnement scientifique considérable. Le Maroc par les Idrissides, de 789 à 985. La Tunisie par les Aghlabides de 800 à 909 qui conquièrent Malte, la Sicile et Syracuse.
En 910, originaires de Kabylie, les Fatimides dominent l'Algérie, la Tunisie et l'Egypte où ils fondent Le Caire. Leur règne, apogée du Monde musulman, dure trois siècles, excepté en Tunisie où les Zirides gouvernent de 973 à1167. A cette époque, les Beni Hillal (fils de la Lune), arabophones venus d'Egypte, envahissent le Maghreb. Leurs descendants sont environ 2% au Maroc, 5% en Algérie et 15 à 20% en Tunisie. Ils imposent progressivement leur langue et sont à l'origine de l'arabophonie actuelle du Maghreb.
La dynastie Almoravide règne de 1035 à 1147 sur le Maroc, l'Espagne et l'Algérie occidentale. Elle laisse les plus beaux monuments de l'art musulman en Algérie.
De 1130 à 1269, l'Empire Almohade unifie le Maghreb et l'Espagne. A la fin du XIIIème siècle il se fractionne en trois dynasties berbères : les Mérinides, les Abdelwadides et les Hafsides. Cette division se maintiendra jusqu'au XVème siècle.
Durant toute cette période, les grandes confédérations tribales ne se soumettront jamais vraiment aux pouvoirs centraux.
1492 : reconquête de l'Espagne par les chrétiens. L'inquisition chasse des milliers de réfugiés en Afrique du Nord, poursuivis par les Castillans. La résistance s'organise. De l'aide est demandée à l'Empire Ottoman. En fait d'aide, les Turcs s'installent au Maghreb, Maroc excepté, jusqu'en 1830. Ils divisent la zone occupée en trois régences : Tripoli, Tunis et Alger désormais gouvernée par un Dey.
Les Berbères du Maroc, coincés entre les Espagnols et les Turcs, résistent pendant toute cette période, gouvernés par les Sa'adiens puis par les Alaouites.
L'occupation française
1827 : Affaire de l'éventail : la France refuse de rembourser une dette, le Dey frappe le Consul de France avec un chasse-mouches. En représailles, la France établit un blocus naval devant Alger.
1830 : Charles X, pour assurer son pouvoir en France prend Alger après trois semaines de siège. Malgré la résistance de l'Emir Abd el Kader, la France envahit l'Algérois en 1848.
Le nom d'Algérie est donné à la zone occupée, par le ministère de la guerre français, en 1839. Les terres sont confisquées, volées aux habitants et les colons français s'installent.
La Kabylie n'est conquise qu'en 1857. Par la suite, les insurrections vont se succéder presque sans interruption, de 1858 à 1926.
La France occupe l'Algérie, la Tunisie et se partage le Maroc avec l'Espagne. L'Italie occupe la Libye.
Pendant la guerre de 1939 - 1945, les Algériens se battent pour la France Libre dont Alger est capitale de 1942 à 1944. La France promet l'indépendance à l'Algérie pour après la victoire.
Mais la France ne tient pas sa promesse, la Kabylie se révolte le 8 mai 1945 à Setif. Soulèvement réprimé dans le sang : les victimes berbères se comptent par dizaines de milliers.
La révolution éclate en 1954. Après huit ans de guerre sanglante, l'Algérie acquière son indépendance en 1962.